Enfants, notre niveau d’intelligence se rattachait pour nous à notre capacité à réussir à l’école dans les matières jugées importantes. Étions nous bons en mathématiques, en lecture et en écriture? Arrivions-nous à atteindre les objectifs principaux du cours de langue seconde? À apprendre par coeur les informations au programme? Bravo, nous étions intelligents. Autrement, nous avions souvent l’impression d’être nul, et l’école nous confortait dans cette impression à grands coups de notes et d’évaluations. Un outil était même utilisé fréquemment (et l’est toujours) permettant de mesurer concrètement notre niveau d’intelligence en nous accordant, en quelques tests, un chiffre représentant notre QI (quotient intellectuel). Si notre ”score” était élevé, nous avions de la chance! La société allait mieux nous considérer, nous irions beaucoup plus loin dans la vie! En somme, pour plusieurs, l’intelligence était quelque chose qu’on avait ou qu’on avait pas. Le résultat d’un tirage au sort à la loterie de la vie, quoi. Et aujourd’hui encore, c’est un point de vue très présent. Une étude américaine a d’ailleurs révélé que 50% de la population adulte considère l’intelligence comme fixe (théorie de l’entité). On nait avec notre niveau d’intelligence et il est immuable. L’autre moitié de la population croit que l’intelligence est malléable et contrôlable (théorie de l’intelligence incrémentielle). Des résultats semblables ont été obtenus en France, et dans plusieurs autres pays occidentaux.
Pourtant, depuis de nombreuses années, il existe un débat important dans le monde de la psychologie et de la neurologie, tout comme dans celui de l’éducation. Et si il existait plusieurs types d’intelligence? Et si, en réalité, l’intelligence était plutôt pleine de nuances? Comment, autrement, expliquer qu’une personne qui a de la difficulté à écrire deux mots sans faire une faute d’orthographe puisse écrire un concerto qui bouleversera son auditoire? Comment se fait-il qu’un enfant qui n’arrive pas à retenir ses tables de multiplications connaissent tout des dinosaures? Est-ce que le fait d’être bon en mathématiques ou en langues est le seul critère permettant à un enfant de grandir en devenant un adulte autonome et capable de se créer une place de choix dans la société et d’y contribuer? Les exemples sont pourtant nombreux d’élèves qui étaient considérés comme des cancres, et qui ont marqué l’histoire, réalisant de grandes choses! C’est le cas, entre autres, de Albert Einstein, Winston Churchill et Thomas Edison pour ne nommer que ceux-là!
Une bonne partie de la population reconnait désormais que l’intelligence n’est pas unitaire, mais qu’elle se décline de plusieurs façons. Cette vision des choses doit beaucoup aux travaux du psychologue du développement Howard Gardner et à ses ouvrages présentant sa théorie sur les intelligences multiples qui deviendront, dans les années 1980, 1990, des best-sellers.
Howard Gardner et les intelligences multiples
Né en 1943 à Scranton, Pennsylvanie, Howard Gardner s’est intéressé, comme plusieurs autres chercheurs, à la théorie des intelligences multiples dès la fin de années 70. À cette époque, ses travaux portaient sur les lésions cérébrales et leurs conséquences sur le patient, particulièrement au niveau de l’intelligence. Et il ne cessait de s’étonner de ce qu’il découvrait. Comment des patients privés d’une faculté intellectuelle bien précise était-il en mesure d’être surdoués dans une autre? Il s’est particulièrement attardés aux autistes de haut niveau, ceux qui, par exemple, bien qu’incapable de lire ou d’écrire, étaient en mesure de reproduire très exactement un concerto pour piano après une seule écoute. Il en a déduit qu’il ne pouvait y avoir qu’une explication. Il existait différentes formes d’intelligences indépendantes les unes des autres. Et lorsque certaines étaient détruites ou peu développées, les autres n’en étaient pas affectées. Il en a conclu que tous les hommes étaient intelligents, mais pas nécessairement de la même façon.
Au cours des années de recherches qui ont suivi la formulation de cette hypothèse, le professeur à l’Université d’Harvard, a réussi à identifier sept premiers types d’intelligence qui ont fait l’objet de son premier livre paru en 1983, Frames of Mind : the Theory of Multiple Intelligence, dénonçant, par la même occasion, les tests de QI, indiquant que l’intelligence était impossible à mesurer. 10 ans plus tard, soit en 1993, il enrichissait ce nombre d’une 8e forme d’intelligence. C’est aujourd’hui sur cette liste que se base les travaux de très nombreux spécialistes, tout domaine confondu. Et le fait que M. Gardner ait pu situer précisément les zones du cerveau mobilisées par chacun de ces types d’intelligence rend ses recherches très crédibles et peu contestables. Aujourd’hui, il occupe une grande partie de son temps sur un nouveau type d’intelligence qu’il considère comme l’intelligence 8.5 puisqu’il n’a toujours pas mis le doigt sur la zone du cerveau qu’elle mobiliserait. Il s’agit de l’intelligence existentielle qu’il a tout de même définie. Il avance également qu’une dixième forme d’intelligence, soit l’intelligence pédagogique, pourrait éventuellement faire son entrée dans sa théorie.
Les différents types d’intelligence
Mais pour le moment, présentons brièvement les 8 types d’intelligence qu’il a isolé. Elles se regroupent en 4 catégories (les courtes définitions sont tirées de Wikipédia):
Les intelligences d’actions comprennent:
- L’intelligence interpersonnelle qui est la capacité de comprendre les autres, d’intéragir avec eux.
- L’intelligence intra-personnelle qui permet de se former une représentation de soi précise et fidèle et de l’utiliser efficacement dans la vie.
Les intelligences scolaires (les plus connues) comprennent:
- L’intelligence linguistique qui est définie par Gardner comme la « capacité à utiliser et à comprendre les mots et les nuances de sens ».
- L’intelligence logico-mathématique qui est la capacité à manipuler les nombres et à résoudre des problèmes logiques.
Les intelligences environnementales comprennent:
- L’intelligence musicale qui constitue l’aptitude à percevoir et créer des rythmes et mélodies, à reconnaître des modèles musicaux, à les interpréter et à en créer.
- L’intelligence naturaliste (celle qui a été ajoutée en 1993) permet de classer les objets, et de les différencier en catégories. C’est l’intelligence qui permet d’être sensible à ce qui est vivant ou de comprendre l’environnement dans lequel l’homme évolue.
Les intelligences méthodologiques comprennent:
- L’intelligence visuo-spatiale (ou spatiale) qui est la capacité à trouver son chemin dans un environnement donné et à établir des relations entre les objets dans l’espace.
- L’intelligence kinesthésique (ou corporelle-kinesthésique) qui est la capacité d’utiliser le contrôle fin des mouvements du corps dans les activités comme le sport et les danses. Elle permet aussi d’utiliser son corps pour exprimer une idée ou un sentiment ou réaliser une activité physique donnée.
Ses travaux actuels portant sur l’intelligence existentielle et sur l’intelligence pédagogique seront traités lors de la conclusion de ce dossier.
Au cours des prochaines semaines, chacune des 8 intelligences reconnues fera le sujet d’un article. Nous y explorerons ensemble des moyens de la développer et des idées d’activités à faire avec vos enfants qu’il s’agisse de leur type d’intelligence prédominante ou non. Notre série de 10 articles se conclura sur une présentation rapide des deux autres types d’intelligence à l’étude par Howard Gardner et sur des outils permettant de s’inspirer de ces connaissances, à l’école comme à la maison, afin d’augmenter l’estime de soi des enfants et de leur permettre de comprendre que tous les enfants (et adultes) sont uniques et naturellement intelligents, un des objectifs principaux des travaux de M. Gardner.
Bien que nous favorisions souvent, dans notre quotidien, un ou des types d’intelligence selon nos talents naturels, notre travail ou notre style de vie, il est important de garder en tête qu’à moins de lésion importante à une certaine partie de notre cerveau, nous les possédons toutes. Et il est possible, peu importe notre âge de les développer car notre cerveau se transforme chaque jour au gré de nos activités, de nos nouvelles découvertes, etc. Et plus le cerveau est stimulé, plus il se développera. Mais si vous êtes curieux de découvrir quel type d’intelligence est prédominant chez vous ou chez votre enfant, voici un petit test amusant disponible en anglais. Partagez-nous vos résultats si vous le faites et dites-nous si ils vous surprennent! http://literacynet.org/mi/assessment/findyourstrengths.html
Pour aller plus loin:
Le site de Howard Gardner (en anglais) : https://www.multipleintelligencesoasis.org/
Conférence TedX de Eric Gaspar (en français): https://www.youtube.com/watch?v=JywfTYdKpHc
Vraiment intéressant. Ça fait comprendre toute la diversité des élèves dans nos classes qui se veulent homogènes alors qu’elles ne le sont pas.