Le système éducatif Finlandais est actuellement LE modèle mondial le plus admiré. Vu le nombre d’enseignants, de spécialistes de l’éducation et même d’élus affirmant s’en inspirer, nous sommes en droit de nous demander si ce ne serait pas justement plus facile de l’importer directement afin de l’appliquer dans toutes nos écoles pour le bien-être de nos enfants. Après tout, ce modèle a fait ses preuves! Mais est-ce que ce serait possible? Pourrait-il être applicable partout? C’est ce que nous essaierons de découvrir ensemble aujourd’hui. Mais d’abord, brossons un portrait de la situation.
Les atouts majeurs de la Finlande
Depuis quelques années, la Finlande obtient des résultats extraordinaires aux études PISA. C’est d’ailleurs cette augmentation fulgurante de leurs résultats qui a d’abord attiré l’attention des médias internationaux et des spécialistes de l’éducation. Mais là où les résultats sont encore plus spectaculaires, c’est au niveau de leur nombre de diplômés. Ici, c’est entre 97% et 99% des jeunes de 17 ans qui terminent, avec succès, leurs études secondaires. Lorsqu’en 2011, le taux est descendu à 95%, le ministère de l’éducation du pays s’est automatiquement penché sur la question et des moyens ont été pris afin de trouver des solutions. En Finlande, l’éducation est véritablement une priorité du gouvernement, et la population n’en accepterait pas moins d’eux. À titre comparatif, au Québec, les plus récents chiffres rendus publics démontrent un taux de diplomation de 76,4%.
Mais, il ne faut pas se le cacher, en plus de faire de l’éducation une priorité nationale, la Finlande a quelques atouts dans sa manche. D’abord, le finnois est une langue dites transparente, ce qui veut dire qu’on écrit ce qu’on entend et vice-versa. Il est donc beaucoup plus facile pour les enfants d’apprendre à la lire et à l’écrire que pour le français ou l’anglais qui sont des langues opaques. À titre d’exemple, prenons le mot ”TAXI” qui a la même prononciation dans les deux langues. En français nous écrirons TAXI même si le ”x ” se prononce plutôt ”ks” alors qu’en finnois ce sera TAKSI. Ce lien direct entre les sons entendus et l’écriture vient grandement faciliter l’apprentissage des enfants. Et comme la lecture et l’écriture est une des bases fondamentales de l’accès aux connaissances, les élèves finnois ont déjà une longueur d’avance sur ceux dont la langue maternelle est opaque.
Autre atout reconnu de la Finlande, au niveau de l’éducation, c’est le très faible taux d’immigration. En 2011, 3,4% de la population du pays seulement n’était pas né en Finlande, et de ce nombre, une majorité venait des pays voisins soit la Russie et l’Estonie. À titre de comparatif, lors du recensement de 2011, les immigrants composaient 20,6% de la population canadienne. Cet état de fait rend la population finlandaise très homogène: leurs origines, statuts sociaux, valeurs et même revenus familiaux, variant peu. Il est donc beaucoup plus facile d’établir des programmes qui correspondront aux réalités culturelles de tous les enfants dans ce contexte.
La gestion des sommes attribuées à l’éducation
Selon la Banque mondiale, la Finlande aurait consacré 6,9% de son PIB (produit intérieur brute) à l’éducation en 2016. Selon Statistiques Canada, en 2014, c’est en moyenne 6% de leur PIB que les provinces canadiennes avaient investis dans ce secteur. Bien qu’étant supérieur, cet investissement ne l’est pas au point d’expliquer une telle différence de résultats. C’est surtout la façon dont cet argent est géré qui apporte des pistes de d’explications. En effet, ici, c’est chaque école, de concert avec sa municipalité, qui décide de quelle façon elle dépensera les sommes allouées. Le budget sera donc réparti en fonction des besoins réels de l’école et de ses élèves, et non en fonction de décisions gouvernementales. Par contre, des plages de dépenses sont obligatoires pour tous, mais le budget alloué par l’état en tient compte. En Finlande, l’éducation est totalement gratuite du primaire à l’université. Cette gratuité comprend l’enseignement, les manuels scolaires, le matériels pédagogiques, les équipements, et même, dans le cas du primaire et du secondaire, le repas du midi.
Cette gestion interne amène une autre réalité. Ici, c’est la direction de l’école qui embauche les enseignants et non une commission scolaire ou un regroupement extérieur à l’école. La direction est donc en mesure de choisir des enseignants qui correspondent à la vision de l’école et à ses objectifs. Car en Finlande, bien que le ministère détermine le contenu du programme éducatif, les enseignants et les écoles disposent d’une grande liberté pédagogique. Ils sont considérés comme les mieux placés pour guider leurs élèves et trouver des solutions pour les faire progresser. Il n’est donc pas rare, de voir dans une même classe, des outils d’apprentissage issus de plusieurs pédagogies différentes permettant aux enfants d’atteindre les objectifs visés en utilisant le matériel ou les techniques qui leur conviennent le mieux.
La formation des enseignants
Puisque nous parlons des enseignants, qu’en est-il de leur formation? Il faut d’abord savoir qu’en Finlande, peu importe le niveau auquel on enseigne, on doit minimalement avoir une maîtrise en poche. Bien que le salaire moyen soit moins élevé que les médecins ou les avocats, les professeurs sont très valorisés et bénéficient d’un prestige comparable à ceux de ces professions. C’est donc un métier très attirant pour les jeunes et nombreux sont ceux tentant de passer le concours d’entrée à la fin de leur BAC (19 ans). Il est donc possible, pour les facultés d’enseignements, de ne choisir que les meilleurs candidats. En effet, seul environ 15% d’entre eux auront la chance d’être admis dans ce programme, duquel 95% obtiendront leur master en ”sciences de l’éducation”. Plusieurs choisiront ensuite de poursuivre au doctorat.
Pour enseigner en Finlande, les professeurs du primaire doivent suivre un programme les menant à obtenir le titre d’enseignant généraliste, et ceux du secondaire auront à se spécialiser dans une ou deux matières. Dans tous les cas, les formations offertes visent la création d’une culture professionnelle commune entre les enseignants du primaire et du secondaire, afin d’assurer un suivi continu auprès des élèves.
La formation dure 5 ans au total. 3 ans de tronc commun, puis deux ans de spécialisation en fonction de ses choix (primaire ou secondaire). Comme partout ailleurs, les étudiants ont des cours de pédagogie, de psychologie de l’enfance et de méthodologie, mais la formation insiste sur deux points qui font toute la différence:
- Les étudiants sont incités à concentrer leurs recherches sur le ”comment apprendre à apprendre” et sur les différentes techniques, toutes pédagogies confondues, qui peuvent soutenir les différents types d’apprentissage des enfants. C’est d’ailleurs ce qui est la priorité dans l’enseignement ici. Permettre aux enfants d’apprendre à apprendre.
- Parallèlement, dès la première année, les futurs enseignants sont formés à diagnostiquer les élèves en difficultés d’apprentissage et à adapter leur enseignement à ces réalités.
Pour obtenir leur master, les étudiants en sciences de l’éducation devront d’ailleurs présenter un mémoire de fin d’études basé sur ces recherches et sur les apports didactiques qu’ils y apporteront.
Une fois leur diplôme en poche et un emploi obtenu, la formation continue fera partie de leur réalité pour la totalité de leur vie professionnelle. Bien que les exigences du gouvernement en terme de formation continue soit dans la norme (1 à 5 jour(s) par an), un grand nombre d’établissements scolaires exige plus de leurs enseignants. Et de toute façon, en Finlande, la formation continue est valorisée. Elle est payée au même tarif que les heures d’enseignements, peut se faire sur les heures régulières de travail et est dispensée par un grand nombre de centres de formation bénéficiant tous de fonds publics, ce qui augmente considérablement l’offre de cours et sa variété. De plus, l’état encourage la formation basée sur la volonté de l’enseignant (donc en plus de ses jours obligatoires annuels), en offrant des bourses spécifiques. Par contre, la volonté des enseignants à se former est telle qu’il leur faut parfois attendre quelques années avant d’y avoir droit. Plusieurs choisiront donc de payer ces formations de leur poche.
Pour être qualifiée, une formation continue doit mettre l’accent sur les compétences d’avenir, comme par exemple, apprendre à apprendre, les compétences d’interaction, la pensée critique et l’utilisation de la technologie.
Le succès du système éducatif finlandais: la prévention
Pour un grand nombre de spécialistes de l’éducation, autant en Finlande qu’ailleurs dans le monde, l’élément clé assurant le succès de ce système est la prévention. Ici, dès que les résultats d’un élève diminuent, il y a une réaction de l’école. Les enseignants se consultent (2 à 3 heures de réunion par semaine sont d’ailleurs inscrits à l’horaire des enseignants en Finlande), un rendez-vous est pris avec les parents et, au besoin, l’intervention du spécialiste de l’école est demandée. En Finlande, le fait d’obtenir de l’aide pendant son parcours scolaire n’est pas vue comme une honte, mais comme une chance. D’ailleurs, presque tous les enfants en bénéficieront à un moment ou un autre de leur scolarité.
Pour permettre aux enfants d’apprendre dans les meilleurs conditions possibles, une série de mesures ont été prises. Il a déjà été question du fait que le repas du midi était gratuit pour tous dans le but de s’assurer de la qualité de l’alimentation des enfants afin d’améliorer, au maximum, leur capacité de concentration. Mais d’autres mesures ont été prises. Par exemple, au terme de chaque période de cours de 45 minutes, les enfants du primaire disposent d’un pause pour aller se dépenser à l’extérieur. Et les emplois du temps sont 25% moins chargés que ceux des enfants des autres pays d’Europe et d’Amérique du Nord. De plus, l’école commence à 7 ans, pas avant, afin, entre autres, de ne pas exiger d’un enfant qui est en pleine période de développement de sa motricité globale, de longues périodes d’immobilités. Finalement, l’école privée a été abolie dans les années 70 afin de garantir l’égalité des chances à tous les Finlandais. Un principe qui leur tient particulièrement à coeur.
Devoirs, examens et notes
Un des débats qui fait rage au Québec, comme ailleurs dans le monde, c’est la pertinence des devoirs et leçons, des examens et des notes. Qu’en est-il en Finlande?
Concernant les devoirs et les leçons, il y en a, mais pas à l’excès. Comme les journées scolaires sont courtes (parfois seulement 3 heures), les enseignants considèrent comme pertinent de faire un récapitulatif des connaissances acquises à la maison. De plus, cette façon de faire permet aux parents de suivre l’évolution de leurs enfants et comme le travail d’équipe par rapport à l’apprentissage est jugé essentiel en Finlande, c’est vu comme un outil positif.
Par rapport aux examens, et donc aux notes, oui, il y en a (peu au primaire, mais quand même). Par contre, contrairement à nous où le résultat est une finalité et un jugement, ici, c’est vu comme un outil permettant aux élèves et aux enseignants de savoir où l’enfant en est dans ses apprentissages et de cibler les zones à travailler. L’examen pourra toujours être repris plus tard quand la matière aura été acquise.
Et bien qu’il arrive, dans des situations très précises, qu’un enfant doive recommencer une année, ces situations sont très rares.
Alors, est-ce que le programme éducatif finlandais est applicable partout?
Vous l’aurez sans doute compris à la lecture de ce texte, pour pouvoir appliquer le système finlandais tel quel dans un pays comme le nôtre, il faudrait d’abord procéder à un changement drastique de notre vision face à l’éducation. Il faudrait totalement changer notre rapport aux enseignants, leur faire confiance, leur donner une grande autonomie d’actions et leur permettre d’intégrer à leur style d’enseignement, tous les outils qu’ils jugent nécessaires à l’obtention des objectifs fixés sans que le gouvernement ne viennent imposer ou interdire des méthodes. Il faudrait leur donner le support de spécialistes, leur permettre de travailler en équipe (et ce, sans peur de se faire juger par leurs pairs et par les parents), de développer un vrai lien entre les parents et les enseignants et de cesser de considérer comme un échec le fait d’avoir recours à de l’aide lorsque c’est nécessaire.
Il faudrait revoir totalement notre façon de gérer le budget accordé à l’éducation et accorder beaucoup plus de liberté aux écoles, entre autres, dans l’embauche de ses enseignants. Et il faudrait que le ministère de l’éducation soit prêt à se concentrer rapidement et immédiatement sur les problèmes rencontrés afin de trouver des solutions, en collaboration avec les enseignants et les établissements scolaires, dès qu’une difficulté se présente.
Il faudrait également revoir en profondeur le programme de formation des enseignants en insistant sur l’importance d’apprendre à apprendre, la détection des élèves en difficulté et sur comment travailler avec eux.
Il serait nécessaire d’apprendre à faire confiance aux enfants et à cesser d’encenser certains matières aux détriments des autres. En Finlande on considère que toutes les matières ont la même importance et que, bien que certains apprentissages de base soient nécessaires (comme la lecture et l’écriture et la base des mathématiques), il est impératif de laisser l’enfant libre de choisir ce qu’il souhaite apprendre jugeant qu’il pourra toujours apprendre plus tard ce qui lui manquera pour faire le métier qu’il souhaite. Il aura alors une motivation pour le faire et apprendra beaucoup plus rapidement.
Et finalement, il faudrait complètement changer notre routine quotidienne et la place que nous accordons à notre famille dans celle-ci, et exiger que la société entière s’adapte à cette nouvelle réalité. Les journées étant beaucoup plus courtes dans les écoles finlandaises, il en va de même pour la présence des enfants à l’école. Les services de garde scolaire (tout comme les services de garde pour les enfants de moins de 7 ans) ne sont majoritairement ouverts que de 8h à 17h, mais, comme une amie qui vit en Finlande m’expliquait, il est très mal vu d’aller chercher son enfant après 16h30 puisque, au delà de cette heure, il ne disposera pas de suffisamment de temps de qualité avec ses parents. Il faudrait donc que notre société remette ses enfants au coeur de ses préoccupations.
Ces changements me semblent difficile à faire dans le monde dans lequel nous vivons actuellement. Mais je reste convaincue que c’est en éduquant, en exigeant les changements que l’on souhaite et en s’ouvrant à d’autres possibilités que nous y arriverons. Et vous, pensez-vous que le modèle finlandais serait applicable au Québec? Souhaiteriez-vous qu’il le soit?
Suggestion de lecture sur notre blog:
Et si la pleine conscience changeait les choses pour les enfants
L’importance de la nature dans le développement de l’enfant: des initiatives québécoises partie 1 et partie 2
Félicitations pour le beau texte(contenu succint, précis et d’actualité)Il va falloir un gros changement de notre mentalité pour pouvoir seulement faire comprendre aux parents que l’enseignant doit être le prolongement de la base de l’éducation qu’ils ont donnée à leur enfant et non leur ennemi.Et que dire de toutes les contraintes qui proviennent de l’individualisme? Bonne continuité.
Author
Merci Alain! Je suis tout à fait d’accord avec ton point de vue. Nous avons une énorme montagne à escalader si nous voulons changer les choses!
Bon je me lance. Comme ancien enseignant, il m’est impossible de ne pas admirer le système finlandais. De là à pouvoir l’implanter tel quel ici, je crois que c’est impossible. Plusieurs points ont été apportés dans le texte qui font en sorte qu’il serait impensable de l’importer comme tel mais un point en particulier m’a frappé et c’est celui de l’homogénéité de la société finlandaise que nous n’avons pas ici surtout dans les grands centre où le visage de la population est très cosmopolite. Nous devons tenir compte de l’immigration importante au Québec.
Par contre une meilleure formation des enseignants et une formation continue est à travailler ici. Je crois que les nouveaux enseignants sont mieux formés maintenant qu’à mon époque mais il reste qu’il y a encore beaucoup de lacunes surtout au niveau de la formation continue.
Une autre chose qui nuit ici c’est le peu de valorisation qui est accordée à cette profession. Pourtant tous les citoyens de ce pays sont passés par l’école et c’est cette école qui en ont fait des citoyens respectables pour la plupart. Commençons à valoriser cette profession et elle attirera peut-être plus de jeunes à s’y intéresser.
Author
Merci d’avoir pris le temps de partager ton point de vue! C’est très intéressant!