L’école Papillon d’Or de Val-d’Or: une école alternative au Québec!

En 1974, à Ville Saint-Laurent, naissait l’école Jonathan, la toute première école alternative publique du Québec.  Aujourd’hui, selon les statistiques du Réseau des écoles publiques alternatives du Québec (REPAQ), il existe 46 volets et écoles découlant de ce mouvement à travers la province.  Ils regroupent 7200 élèves de la maternelle à la fin du secondaire, 355 enseignants et 315 comités de parents qui sont réparties dans 21 commissions scolaires.

Une d’entre elles, l’école Papillon d’Or, se trouve à Val-d’Or, une petite ville de 33 000 habitants située en Abitibi-Témiscamingue, au nord-ouest de la province, à l’endroit même où est né notre projet.

Ici, c’est 85 élèves, de la maternelle à la 6e année, qui franchissent chaque jour, les portes de cette école pas ordinaire.  Née de l’initiative d’une groupe de parents, comme c’est d’ailleurs presque toujours le cas des écoles alternatives au Québec, elle a vu le jour il y a maintenant plus de 30 ans et fonctionne à pleine capacité.

Qu’est-ce qu’une école alternative

Selon le site web du REPAQ, ”l’école alternative est un milieu éducatif dynamique, prônant une approche participative, communautaire et humaniste dans laquelle chaque intervenant (équipe de direction, enseignants, parents) joue un rôle actif dans l’épanouissement de l’élève.”  Même si, comme les écoles de ce regroupement sont publiques,  elles doivent respecter les objectifs du programme de formation de l’école québécoise émis par le Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MESS), elles travaillent à le faire en s’adaptant aux besoins individuels des élèves qui les fréquentent.

ci-dessus, Cathy Pomerleau, directrice

Pour Cathy Pomerleau, directrice de l’école alternative Papillon d’Or de Val-d’Or et de l’école régulière St-Philippe de Dubuisson, une école alternative est d’abord et avant tout ”une école à laquelle tous collaborent à la réussite des enfants.  Une école où les parents sont impliqués, tout comme l’équipe école et la direction.  C’est une école avec un principe de co-gestion et de co-éducation qu’on ne retrouve pas tant dans les écoles régulières.”

L’implication des parents: une variable cruciale

Comme l’école ne dispose pas de spécialistes, les ateliers offerts en après-midi changent selon les cohortes et les intérêts des parents comme l’explique la directrice.  Pour elle, l’implication des parents est donc cruciale au bon fonctionnement du programme et fait la beauté de l’école alternative.

ci-dessus: Winä Jacob, maman et membre du conseil d’établissement

Winä Jacob, maman de 4 enfants dont 3 fréquentant l’école, ancienne élève de Papillon d’Or et membre du conseil d’établissement indique que ”l’obligation c’est de faire 4 heures, 4 heures par mois par famille.  Beaucoup de parents font plus que ça parce qu’on a le goût d’être ici, de travailler son horaire pour participer à des choses qui ne sont pas nécessairement notre initiative, car on sait que ça va amener nos enfants vers autre chose.”

Ici, les parents sont impliqués un peu partout dans la vie de l’école.  On les retrouve évidemment beaucoup dans les ateliers d’après-midi, mais comme l’explique la directrice, Mme Pomerleau, ils sont parfois présent en avant-midi pour aider le personnel enseignant et ils s’impliquent dans des comités dont l’objectif est d’améliorer la qualité de vie et l’expérience des enfants.  Mme Jabob , elle, souligne que seule l’imagination est une limite à ce qu’un parent peut proposer à la vie de l’école.

Cette implication des parents au quotidien, quoi que jugée extrêmement positive par toutes les personnes avec qui nous avons discuté, vient également avec son lot de défi.  Pour Winä Jacob, un des défis principal est la gestion de groupe car selon elle: ”au départ, ils (les parents), ne sont pas nécessairement outillés pour travailler avec un groupe d’enfants.”  Comme ici on encourage les enfants à avoir des opinions et à les exprimer, de gérer un groupe avec des enfants qui parfois nous confronte peut aussi être un défi, tout comme de trouver le temps nécessaire pour s’impliquer dans l’école, selon elle.

Pour Cathy Pomerleau, ”l’école alternative, c’est un mode de vie.  L’engagement communautaire, le respect de l’environnement et l’acceptation du fait qu’un autre parent peut intervenir avec ton enfant sont des valeurs importantes ici.”

Choix des familles

Même s’il s’agit d’une école publique, donc gratuite, il ne s’agit pas de s’y inscrire pour la fréquenter.   Comme dans la grande majorité des écoles alternatives du Québec, un comité de sélection est mis en place pour sélectionner, chaque année, les familles qui se joindront à l’aventure, en fonction du nombre de places disponibles.  Mais la directrice insiste, il n’y a pas d’élitisme ni de choix des enfants en fonction de leurs résultats scolaires: ”On accueille des élèves qui ont des troubles d’apprentissage, des élèves qui ont des TSA, des troubles de comportements, etc.  En sélectionnant les familles, tu ne peux pas savoir quels défis aura l’enfant.  Et à partir du moment où il y a un défi, sa place n’est pas remise en cause.”

Alors qu’est-ce qui détermine si une famille peut avoir une place à Papillon d’Or?  Pour la directrice, le désir d’implication des parents est le critère le plus important.  La connaissance du milieu alternatif et le sens de la collectivité (on ne vient pas à l’école pour accompagner SON enfant, mais LES enfants) viennent ensuite.

Pour Winä Jabob, l’esprit de communauté qui règne à l’école ”apporte une autre famille, des amitiés avec de gens avec qui tu as des affinités en partant.”  Lorsque son conjoint et elle ont fait le choix d’inscrire leurs enfants à cette école, les raisons étaient nombreuses.  Parmi elles,  leur permettre d’avoir une éducation diversifiée, d’apprendre autrement, d’apprendre à apprendre, de travailler sur leur autonomie et de respecter leur rythme d’apprentissage qu’il soit plus rapide ou plus lent.  Au moment de notre rencontre, son aîné se préparait à quitter l’école pour le secondaire.  Pour elle, son passage dans cette école lui a donné le droit d’être lui, d’être différent.  ”Ici, ça lui a été permis d’avoir des idées, de les développer, de mener des projets à terme”, nous explique-t-elle.

Et le passage au secondaire?

Une des inquiétudes souvent émises par les parents qui s’interrogent sur l’éducation alternative et par la société en générale, c’est sur la transition vers le secondaire ou vers le cégep ou l’université s’ils ont la chance de pouvoir poursuivre en milieu alternatif jusqu’à cet âge.  Bien qu’elle comprenne l’inquiétude, la directrice nous assure qu’elle est infondée.  Elle nous rappelle que les écoles alternatives doivent prouver leurs résultats quand elles font leur demande de dérogation auprès de ministère.  ”Nos études (internes), ont prouvé que, par exemple, un enfant qui avait 80% ici, avait la même note au secondaire même dans les matières qui ne sont pas enseignées ici.”  Winä Jabob renchérit en indiquant que ces mêmes études  ”prouvent que les enfants qui sortent de l’alternatif pour aller au secondaire ne sont pas meilleurs, ne sont pas moins bons, mais qu’ils poursuivent leurs études.  Selon les statistiques, le taux de décrochage des enfants qui proviennent de l’alternatif est autour de 0%.”

Une journée à Papillon d’Or

Ci-dessus, Alexis Mercier, élève

Élève de 6e année au moment de notre passage au printemps dernier, Alexis Mercier a fréquenté l’école régulière de la maternelle à la 3e année, puis l’école Papillon d’Or pour les 3 dernières années de son primaire.  Pour lui, la grande différence entre les deux réside dans l’horaire de la journée et même de la semaine puisqu’ici, il n’y a pas de cours le mercredi en après-midi.

Mais à quoi ressemble une journée type à Papillon d’Or.  La journée débute à 8h30 par une période en foyer.  L’école en compte 4 qui regroupent des enfants de tous les niveaux  (de la maternelle à la 6e année).  C’est au cours de ce premier rassemblement que les enfants détermineront leur horaire de l’après-midi.  Ils auront alors la choix entre les ateliers offerts par les parents ce jour-là, une période de lecture à la bibliothèque ou encore de profiter de ce temps pour s’avancer dans leurs travaux et projets personnels à leur rythme.

Par la suite, de 9h à 11h20,, ils seront en classe pour les matières principales soient le français, les mathématiques et l’anglais.  Ici, la répartition ne se fait pas nécessairement par tranche d’âge ou niveau scolaire.  Un décloisonnement sur 4 niveaux permet aux enfants d’être regroupés en fonction de leurs besoins et de leurs défis. Depuis septembre 2019, le décloisonnement, en anglais, se fait sur tous les niveaux afin de permettre aux enfants bilingues d’avoir des défis intéressants pour leur niveau d’anglais.

Après une courte période de regroupement, suite au repas, pour s’assurer de leur horaire de l’après-midi,  les enfants se répartissent dans les différentes salles de l’école.  Lors de notre passage, les ateliers offerts comprenaient, entre autres,  la visite d’un organisme communautaire, un atelier de voitures en légos propulsées par un ballon de baudruche pour les plus petits, un atelier de robotique pour les plus vieux et même, un atelier de soccer animé par un élève de 3e année, Édouard Germain-Lacroix.  Puisque, ici, les enfants peuvent choisir, à titre de projet personnel, de proposer des activités aux autres élèves de l’école, en autant qu’un adulte est là pour superviser l’activité.  Ce jour-là, c’est le papa d’Édouard qui assurait la surveillance tout en laissant toute l’animation de l’atelier à son fils.  ”C’est souvent les parents qui proposent des ateliers, mais moi j’aime ça animer”, nous lancera le jeune garçon de 8 ans avant de retourner à ses activités.

La journée se termine ensuite par un retour en foyer où les enfants sont invités à partager leurs découvertes de la journée avec les autres afin que tous puissent en profiter.

C’est cette liberté de choix qu’Alexis Mercier retiendra le plus de ses 3 années à Papillon d’Or  ”J’aime pouvoir choisir ce que je fais dans ma journée.  Ça m’encourage plus à aller à l’école”, soulignera-t-il.

Mais est-ce un modèle pour tous?

Pour Winä Jacob, il est clair que l’école alternative devrait être plus accessible qu’elle ne l’est présentement même si elle ne pense pas, vu l’implication demandée aux parents, qu’il s’agisse d’un modèle qui convienne à toutes les familles.  Par contre, elle considère que certaines des méthodes alternatives pourraient être amenées dans les classes régulières et que ce serait gagnant pour tous.  Celle qui est aussi enseignante au secondaire, souligne qu’il y a plusieurs choses qui ont fait leurs preuves dans les écoles alternatives qu’on commence à voir apparaître au régulier.  Elle aimerait maintenant y voir transposer le multi-niveau et le multi-âge qui, selon les nombreux avantages qu’elle y voit, serait une des solutions à l’intimidation: ”On parle beaucoup d’intimidation dans les écoles.  Ici, de la vraie intimidation, il n’y en a pas car les enfants se connaissent tous.  Ici, les grands ont le goût d’aider les petits.  C’est très familiale”, soutient-elle.

La directrice de l’école, Cathy Pomerleau, partage son avis, indiquant que ce qui forme un enfant, c’est la communauté, pas juste le personnel enseignant.  Et à la question: ”Est-ce applicable à tous les enfants?”  elle conclura en indiquant:  ”Est-ce que oui il y a des enfants pour qui ça peut être plus difficile?  Oui.  Est-ce que ça veut dire qu’ils ne seront jamais capables de s’adapter?  Non!”  Pour elle, c’est justement ce que doit travailler à atteindre une bonne école alternative.  Le plein potentiel de l’enfant, peu importe son défi!

Pour aller plus loin:

Site internet de l’école Papillon d’Or:  http://www.papillondor.ca/accueil/notre-ecole-alternative

Site internet de la REPAQ: https://repaq.org/ 

 

 

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