Apprendre en Thaïlande partie 1: L’éducation nationale

Au cours des deux dernières décennies, la Thaïlande a vécu de très grandes transformations.  De pays sous-développé il y a à peine une génération, elle est désormais en pleine croissance et en plein développement.  Reconnue pour avoir une culture très ouverte et diversifiée, les progrès économiques du pays du Sourire sont en constante évolution et son taux de pauvreté ne cesse de reculer.  Aujourd’hui, seulement 7% à 9% de la population est considérée comme vivant sous le seuil de la pauvreté et l’accès à l’éducation de base et aux services de santé est devenu presque universel.  Pour un pays d’Asie de l’Est, il s’agit d’accomplissements phénoménaux qui valent la peine d’être soulignés.  Malheureusement, l’égalité des chances est très loin d’être atteinte dans ce pays où la qualité du système éducatif est une préoccupation majeure.  Avant de porter notre regard, au cours des trois prochaines semaines, sur certaines des initiatives positives qui existent en Thaïlande, attardons-nous d’abord à la situation de l’éducation nationale publique qui nous permettra de mieux comprendre le contexte dans lequel les écoles et projets que nous vous présenterons travaillent, et surtout pourquoi le milieu privé à tellement le vent dans les voiles.

Quelques chiffres et informations

Bien que l’école y soit obligatoire pour tout enfant âgé de 6 à 15 ans, et gratuite jusqu’à la fin du secondaire (soit 18 ans) un grand nombre de jeunes ne peuvent en profiter.    Nous y reviendrons dans quelques instants.  Pour le moment, regardons de quoi peut avoir l’air le parcours scolaire d’un enfant thaïlandais.

  • De 1 an à 3 ans, les enfants peuvent fréquenter la crèche, l’équivalent d’une garderie.  Ici, il est par contre fréquent, pour les parents, d’amener leurs jeunes enfants au travail.
  • De 3 à 5 ans, les enfants peuvent fréquenter la maternelle (non obligatoire), qui est appelé Kindergarden.
  • De 6 à 11 ans, les enfants fréquentent l’école primaire, obligatoire pour tous.
  • De 12 à 18 ans:  Cursus secondaire.  La fréquentation de l’école étant obligatoire jusqu’à 15 ans, il sera complété ou non.
  • Vient ensuite l’université.  La Thaïlande ne dispose d’aucune grande université reconnue mondialement.  Les enfants provenant des familles les plus aisées quittent très souvent le pays pour poursuivre leur éducation.

L’année scolaire débute en mai pour se terminer en mars.  À la fin de chaque année, dès le primaire, les enfants doivent passer un examen qui déterminera s’ils pourront passer à l’année suivante ou non.

Seulement 60% du potentiel atteint

Le système éducatif thaïlandais est vivement critiqué par la population locale, mais aussi au niveau international.  Selon la Banque mondiale, un enfant né aujourd’hui dans ce pays n’atteindra que 60% de son potentiel en terme de productivité de son éducation.  L’inégalité de l’accès à une éducation de qualité est également un problème majeur.  Dans les zones rurales et dans les quartier les plus pauvres des grandes villes du pays, la taille insuffisante des écoles, le matériel pédagogique inadéquats, le manque d’enseignants de qualité ou littéralement le manque d’un endroit dédié à l’éducation font qu’une grande partie des enfants, qui devraient pourtant pouvoir compter sur une éducation gratuite d’une durée de 12 ans, n’ont pas la chance d’y accéder.  Au niveau national, cette situation fait que la moyenne d’années de fréquentation des jeunes thaïlandais est de 8,6 ans, bien plus basse dans les secteurs défavorisés.

1 étudiant sur 3 est ”fonctionnellement illettré”, ce qui veut dire qu’il connaît l’alphabet et sait même souvent reconnaître des mots et les écrire individuellement, mais est incapable d’identifier les informations ou le message dans un texte, de comprendre ce qu’il lit.  Cette situation est en partie due à la culture du pays.  Ici, aucune place pour la remise en question des traditions ou pour des interrogations sortant du cadre pré-déterminé.  La Thaïlande valorise grandement la soumission à la hiérarchie ce qui en fait une culture de reproduction, pas d’analyse et de questionnements.  Les enseignants étrangers à qui nous avons parlé appuyaient tous ce point sans exception, plusieurs nous indiquant avoir dû totalement changer leur façon d’enseigner pour répondre au modèle local déplorant le fait que le modèle d’enseignement thaïlandais tuait la curiosité naturelle et le besoin d’apprendre des enfants, et les empêchait de développer un système de pensée critique.   ”Je travaille avec des enfants qui veulent savoir exactement sur quoi ils seront questionnés, et qui n’ont aucun intérêt pour le reste.  Ils s’efforcent d’apprendre mot pour mot ce qui doit être appris, sans vraiment comprendre et assimiler la matière.  Elle sera rapidement oubliée après l’examen.”, déplore un des enseignants interrogés. ” *

Ces enseignants ne sont pas les seuls à déplorer et à remettre en question le traditionalisme du système éducatif thaïlandais.  Le communauté internationale et même le ministre de l’éducation thaïlandais lui-même le voit comme un obstacle.  C’est qu’ici, le système d’enseignement est basé uniquement sur un enseignement magistral qui exige des enfants qu’ils apprennent les informations données par coeur.  On s’attend des élèves qu’ils écoutent en silence et très, très peu de place est donnée à leur avis.  Tellement que lorsque les enseignants étrangers tentent de les faire se questionner, ils se rivent à un mur d’incompréhension.  Ici, il est tout simplement impensable de questionner les dires d’un enseignant ou de le remettre en question.  Même les examens d’entrée dans les universités Thaïlandaise suivent ce principe.  Ils sont basés sur des questionnaires à choix multiples afin de faire appel à la mémorisation mécanique, pas à la réflexion et à la pensée critique.

Des enseignants très peu qualifiés et très conservateurs

Année après année, mandat après mandat, les différents ministres de l’éducation qu’à connu le pays au cours des dernières années ont eu à faire face à un corps professoral particulièrement conservateur et opposé à toutes réformes de l’éducation, quelle qu’elle soit.  À cela s’ajoute un autre problème majeure, une très grande partie des enseignants des écoles publiques thaïlandaises sont très peu qualifiés.  Par exemple, une enquête du ministère de l’éducation a montré que sur 40 000 enseignants d’anglais évalués, seulement 6 d’entres eux parlaient couramment cette langue.  Même constat lors des évaluations de mathématiques et de sciences.  Une très grande majorité des enseignants du primaire et du secondaire ont échoué aux examens qui leur étaient proposés.  Le ministère tente depuis d’améliorer le programme de formation aux enseignants afin de faciliter la réforme du système éducatif.  En 2009, un projet appelé Khru Pan Mai (nouvelle ”race” d’enseignants), dont l’objectif était de former 300 000 nouveaux enseignants plus qualifiés et polyvalents a été lancé.  Ils devaient graduellement prendre la place des enseignants partant à la retraite, mais le projet ne s’est par déroulé comme prévu.  Plusieurs de ces enseignants nouveaux genres ont joint les rangs des écoles privées et peu d’entre eux ont opté pour aller travailler dans les zones défavorisées.  De plus, le conservatisme du milieu dans lequel ceux qui reste évoluent rend leur tâche très difficile.

Devant cette situation, les écoles privées, internationales et alternatives voient le jour à une vitesse folle répondant à une demande toujours grandissante des parents. Entre 2000 et 2010, le taux d’inscriptions dans le secteur privé est passé de 10% à 20% et ne cesse d’augmenter depuis. Malheureusement, comme elles sont souvent très dispendieuses, elles sont réservées aux familles qui disposent de moyens financiers supérieurs à la moyenne ce qui contribue à creuser, toujours plus, les écarts sociaux.  Un problème qui n’est pas étranger à une très grande partie des pays développés…  La semaine prochaine, nous vous présenterons une de ces écoles extraordinaires.  Et la partie 3 de notre dossier s’attardera au rôle positif qu’elle, et plusieurs de ces écoles ont choisi de jouer dans l’éducation des enfants les plus défavorisés du pays.  Lors de la semaine 4, nous nous pencherons sur une maternelle très inspirante.  À la semaine prochaine.

*(Pour éviter de mettre leur emploi en danger ou de les mettre dans une situation embarrassante, les enseignants à qui nous avons parlé ont demandé à rester anonymes.  Nous respecterons leur demande)

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