Une journée pas ordinaire dans une école en Finlande

Depuis le début de notre voyage, nous avons été très surpris d’entendre, un peu partout en Europe, des enseignants, spécialistes de l’éducation ou parents impliqués dans les écoles, nous dire que le modèle éducatif finlandais n’était pas si extraordinaire que ça.  On nous donne, à titre de preuves, des statistiques sur l’homogénéité de la population, on nous parle du fait que le pays multiplie les réformes (une viendra d’ailleurs sous peu) ou des exemples de professeurs ayant quitter la Finlande pour enseigner ailleurs car ils ne croyaient pas à leur système.  Nous y reviendrons d’ailleurs dans un prochain article où nous tenterons de départager ensemble, le vrai du faux car, vous l’admettrez, pour nous qui nous y référons constamment, c’est déstabilisant d’entendre ces commentaires .   Mais, que l’on considère que le programme éducatif finlandais soit le meilleur au monde ou non, force est d’admettre qu’il demeure LA RÉFÉRENCE mondiale en terme d’éducation et nous avons eu la chance de passer une journée, très loin du quotidien des écoles nord-américaines, à la Kaisaniemi school d’Helsinki.  Récit d’une journée dans une école finlandaise, le 31 octobre 2019!  

 

Horaires et programme

Ici, les horaires ne sont jamais fixes.  Chaque enfant ayant le sien, en lien avec les options qu’il a ou n’a pas choisi, ses forces et ses faiblesses, il arrivera à l’école entre 9h et 1oh et terminera sa journée entre 13h15 et 15h (16h, certains jours, pour les concentrations).  Certains élèves, très impliqué ou ayant une envie d’apprendre plus grande que celle des autres peuvent avoir des horaires un peu plus chargés, mais, dans la mesure du possible, on essaie d’éviter que l’enfant ne passe plus de 5 heures, par jour, en cours.   Bien que certaines matières soient obligatoires, tel que le finnois, une langue étrangère (le choix est très grand), le sport, les mathématiques, les sciences et les travaux manuels, d’autres sont au choix de l’élève selon ses envies, ses intérêts et son niveau d’aisance.  Par exemple, un enfant qui a déjà des difficultés à l’école ne sera pas obligé de prendre une troisième langue, même si c’est favorisé en Finlande.   Et s’il n’aime pas les arts, il n’aura pas à s’inscrire au cours d’arts dramatiques ou d’histoire de l’arts en plus du cours de travaux manuels obligatoire.   Dès le départ, on juge que l’enfant est en mesure de prendre ses décisions et on le laisse libre de suivre ses passions tout en s’assurant de lui donner les connaissances générales de base qui lui permettra de les découvrir dans les matières obligatoires.

L’école Kaisaniemi accueille des enfants de 7 à 12 ans (1er à 6e année).  En Finlande, l’école débute à 7 ans, pas avant.  Il existe bien évidemment des crèches ou des maternelles et services de garde pour les enfants dont les parents travaillent, mais les apprentissages académiques à proprement parlé ne débuteront qu’à cet âge.  Bien qu’il s’agisse d’une école de quartier, donc qu’environ la moitié des enfants qui la fréquente vivent dans les quartiers résidentiels entourant Kluuvi, le quartier des affaires au coeur d’Helsinki, l’autre moitié des enfants vivent un peu partout en ville et même en banlieue puisque l’école offre un programme de spécialisation en danse et en musique.  Les élèves qui font ce programme sont sélectionnés en fonction de leur excellence dans ce domaine et se verront offrir des cours supplémentaires dans leur horaire pour parfaire leur art.  Tous les enfants de l’école ont des cours de musique, puisqu’ils font partie du cursus national, et occasionnellement, ils font aussi de la danse dans le cours de sports, mais ils n’auront accès aux cours de spécialisations que s’ils ont passé l’examen d’entrée .  Ils peuvent, par contre, faire le choix de s’inscrire, à un cours d’arts avancé (visite des musées, histoire de l’arts, pratique, etc.) ou un cours d’arts dramatiques, en plus de leur programme régulier. Pour les élèves en difficulté, de l’aide individualisée ou des cours supplémentaires dans les matières de base peuvent être offerts.  Ces cours auront alors lieu entre 9 et 10 heures et entre 13h15 et 15h15 en après-midi.  La grande majorité des enfants ont au moins un ou deux cours dans la semaine sur ces périodes.  Mais, si vous faites le calcul, vous l’aurez compris, une journée d’école standard en Finlande dure entre 3 heures et 7 heures bien que les journées dépassent rarement 5 heures comme dit précédemment.

Une cantine gratuite et santé

En Finlande, comme dans bien des pays européens, le repas du midi est servi à la cantine de l’école pendant la pause de 30 minutes auxquels les enfants ont droit.  Les groupes , accompagnés de leur enseignant, dineront, les uns après les autres.   Ici, chaque jour, les enfants ont le choix entre en plat végétarien ou un repas avec viande et plusieurs accompagnements.  La nourriture est à volonté et les enfants se servent eux-mêmes, puisqu’on juge que c’est à eux de faire leurs choix quant à ce qu’ils mangent et en quelle quantité.  De toute façon, seuls des aliments sains sont servis, et, fait à noter, en Finlande, il s’agit d’un service gratuit pour tous.  Pour  Saana Kaitaranta, la vice-rectrice de l’établissement, c’est le raison numéro 1 qui explique le succès du programme éducatif du pays.  D’abord, peu importe leur statut social, les enfants mangent à leur faim (une collation est aussi offerte en après-midi pour ceux qui ont des cours après 13h15 ou qui fréquentent l’équivalent de leur service de garde).  Ensuite, et c’est ce qui selon elle est la clé, les enfants mangent sainement, et uniquement de la nourriture maison.  Ils sont donc à l’abri, sur les heures de classe, des produits industriels transformés remplis d’additifs alimentaires, d’agents de conservation et de sucre.  Selon elle, l’attention des enfants en est donc grandement améliorée et leur concentration reste soutenue toute la journée.

Notre journée à l’école Kaisaniemi

Notre journée commence à 10h15 dans la classe de la vice-rectrice que nous accompagnerons pour l’avant-midi. Ici, les enfants ont 10 ans et sont en 4e année. Et nous ne sommes pas les seuls observateurs aujourd’hui.   La grande sœur d’une des jeunes filles qui fréquentent l’école est ici.  Finissante au BAC (en Finlande c’est une période de 2 ans après le secondaire qui est donc un peu l’équivalent de notre Cégep), elle pense poursuivre ses études en enseignement à l’Université.  Mais ici, c’est un programme très long, difficile et contingenté.  Les enseignants ont le même statut social que les médecins ou les avocats, mais pour y parvenir, le chemin est long.  La maîtrise est obligatoire pour tous les niveaux ainsi que des spécialisations.  Elle est donc volontaire dans cette école aussi souvent que possible.  Ça lui permet de s’assurer que c’est vraiment ce qu’elle souhaite faire et de gagner en expérience, ce qui sera bon pour son dossier de candidature.

Après nous avoir présenté et avoir remis les corrections des travaux de la veille aux enfants, nous prenons la direction de l’autre classe de 4e année.  Ici, les professeurs travaillent régulièrement en équipe.  Certains enfants peuvent aller passer la journée dans l’autre classe (par exemple, s’ils ont besoin de revoir une matière, manque de temps pour un projet d’arts ou pour donner un coup de main), des projets sont fait en commun, et si une des enseignantes doit s’absenter pour une réunion ou une rencontre avec un parent, l’autre prendra la relève et s’occupera alors des deux groupes.  Dans plusieurs écoles de Finlande, un mur entre les deux classes peut s’ouvrir afin de faciliter ce travail.  Ici, ce n’est pas le cas.  Les enfants se déplacent donc dans une classe ou l’autre.  Comme plusieurs de nos écoles au Québec, elles sont surchargées.  Les classes, qui, selon les enseignants sont adaptées à des groupes de 20 et 24 élèves, en ont souvent jusqu’à 32, sauf en travaux manuels où les classes sont divisées en deux pour un groupe maximum de 17 même si, pour les enseignants, un maximum de 10 élèves dans ces classes devraient être privilégié pour vraiment répondre aux besoins des enfants.  Une enseignante déplorera d’ailleurs ce fait en nous disant qu’il n’est plus possible pour eux de s’attarder aux réels besoins des enfants.  Il enseigne la matière point.  Les enseignants à qui nous avons parlé ont aussi déploré le manque de fonds pour le personnel de soutien.  Une enseignante de 3e année qui a un groupe de 32 élèves cette année dont 3 à besoins particuliers majeurs n’a de l’aide dans sa classe que 2 heures par semaine.  Comme quoi, même dans ce pays modèle en terme d’éducation, les problèmes ne diffèrent pas des nôtres.  Dans cette école ouverte en 1924, les locaux sont aussi très petits, plus que dans les nouvelles écoles.  On tente donc de trouver des solutions pour pallier aux difficultés que cette situation entrainent.  Par exemple, les enfants qui le souhaitent peuvent porter des casques anti-bruit (earmuffs) lorsqu’ils travaillent afin de les aider à se concentrer.  Bien que les classes soient toutes petites, il est normal de voir les enfants se promener dans la classe et même en dehors de celle-ci pendant les cours.  En autant que les objectifs sont atteints, ce n’est pas un problème puisqu’il est évident pour le personnel, qu’un enfant n’est pas fait pour être assis toute la journée.  Et comme les enfants n’ont pas toujours cours, certains sont en période libre ou en pause repas pendant que les autres sont en classes.  Il y a donc constamment du bruit et des déplacements ce qui représente un défi pour certains enfants.

Danse en cours de sports: un événement pas banal

Aujourd’hui, soit le 4 décembre a lieu, en Finlande, un événement traditionnel très prestigieux et attendu.  Les enfants de 4e année, accompagnés de leurs parents, seront reçus par le maire de leur ville et son épouse.  Robes longues, toxedo et danses traditionnelles seront à l’honneur et il est important pour eux de s’y préparer.  Les cours de sports de l’automne, dont celui auquel nous avons assisté, sont donc axés sur la danse afin de permettre aux enfants d’être prêts pour cet événement très important pour eux.   Dans la classe, ils se pratiqueront, à l’aide d’un vidéo YouTube, sur la pratique de la danse (non traditionnelle cette fois) qu’ils présenteront au maire.  Ils ont choisi Happy et la chorégraphie est très énergique.  Après cette pratique, nous nous rendons au gymnase, où l’espace est plus grand, pour la suite des choses.  Ici, les enfants pratiqueront les véritables danses traditionnelles de Finlande, des danses en couple, que les enfants devront faire pendant la soirée.  Ils en ont 5 à apprendre et c’est du sérieux.  Tout doit être parfait, il en va de l’honneur de l’école.  Parmi la cinquantaine d’enfants présents, 22 filles et 2 garçons font partie de la concentration danse de l’école.  Pour eux, c’est clairement plus facile et ils s’ennuient rapidement.  Pour les autres, c’est un travail ardu et il est clair que certains n’y trouvent aucun plaisir, mais c’est un rite de passage important en Finlande.  Ils y auront passé plus de 2h chaque semaine jusqu’à aujourd’hui et même un peu plus au cours des deux dernières semaines.  Pour les enseignantes, c’est un événement très stressant pour lequel elles ressentent beaucoup de pression.  Il FAUT que tout soit parfait, il en va de leur réputation.

Cours de travaux manuels

Après le dîner, nous rejoignons la classe de concentration musique de 3e année qui a un cours de travaux manuels cet après-midi.  Comme ils font concentration musique, ils n’ont qu’une heure par semaine de travaux manuels alors que les autres élèves de l’école ont deux heures.  Une semaine classique pour un enfant moyen se définie comme suit: 4 heures de mathématiques, 5 à 6 heures de langue maternelle, 2 heures de sciences, 2 heures de sports, 1 ou 2 heure(s) de travaux manuels, 2 heures de musique et 2 heures pour chacun des cours optionnels qu’ils suivent.  À cela s’ajoute, vers la 3e année, une langue seconde au choix de l’élève entre le français et l’anglais, et pour plusieurs, une 3e langue (au choix de l’enfant entre le français, l’anglais, l’allemand et le suédois).  Chacun de ces cours représentent 2 heures supplémentaires.

Mais retour à la classe de travaux manuels, une des particularités très enviée, du programme éducatif de la Finlande.  Ici, le groupe sera divisée en deux.  Une partie de la classe travaillera les arts textiles pendant que l’autre partie ira dans le local de menuiserie.  Leur projet terminé, ils changeront de local.   Les horaires des enfants sont bâtis de sorte que pendant qu’un des deux groupes d’un niveau a son cours de langue seconde donné par un spécialiste, l’autre groupe est en travaux manuels ce qui permet aux deux enseignants du niveau de se partager le groupe de travaux manuels.  .  En ce moment, dans la classe d’arts textiles, les 3e années apprennent à se servir d’une machine à coudre et font aussi de l’imprimerie sur tissus.  Leur projet actuel est donc de fabriquer de a à z, un sac de type ”tote bag”.  Pour ce faire, ils doivent dessiner le patron et le reproduire sur le tissus, le découper, enfiler et utiliser la machine à coudre pour assembler leur sac, déterminer les motifs qu’ils veulent faire sur leur sac sur un plan, apprendre les techniques d’impression sur tissus puis réaliser leur modèle.   Une fois leur projet terminé, ils se rendront sur le Google de l’école afin de faire un compte-rendu de leur projet, auquel sera joint la photo de celui-ci.  Le tout apparaîtra alors dans le portfolio de l’enfant.  Mais les arts textiles ne s’arrêtent pas à la couture à la machine.  Au fil des années, les enfants apprendront le tricot, le crochet, la broderie, la couture à la main, etc.

Au même moment, dans l’atelier de menuiserie juste à côté, l’autre partie du groupe a pour projet de construire, en bois, un jouet de son choix,  L’image a de quoi donner des sueurs froides à bien des gens peu habitués à voir des enfants manipuler de tels outils!  Ici, des enfants de 9 ans utilisent librement scie à chantourner, marteau, ciseaux à bois, papier sablé, tournevis et burin entourés de machines tel banc de scie, scie à ruban, tour à bois, etc. qu’ils apprendront à utiliser plus tard dans leur parcours.  Une petite fille scie avec précision les pièces du casse-tête qu’elle est en train de confectionner.  D’autres fabriquent une voiture ou un jeu de plateau sous l’oeil attentif de leur enseignante.  Un autre enfant se sert d’un ciseau à bois pour graver des motifs sur une de ses pièces et un petit groupe se trouve dans la pièce du fond, occupés à peindre certaines pièces qui apporteront de la couleur à leur projet.  Tous les outils sont à leur portée dans une grande armoire et ils vont chercher ce qu’ils ont besoin au moment où ils en ont besoin sans avoir à demander l’autorisation.  Parfois l’enseignante corrigera une posture ou un mouvement, expliquera un peu plus l’utilisation de tel ou tel outil, mais dans l’ensemble, les enfants travailleront de façon totalement autonome et sécuritaire.

 

Conclusion

Lorsque l’école nous a fait part du programme d’observation qu’ils nous proposaient, nous avons été surpris qu’aucun des cours que nous jugeons le plus important au Québec comme les langues ou les mathématiques n’en fasse partie.  On nous a rapidement expliqué que c’est justement parce que, en Finlande, aucun matière n’est jugée plus importante qu’une autre que ce choix nous a été proposé.  Bien sûr, on considère qu’il est important de savoir lire ou écrire ou encore de savoir compter, mais pour eux, les enfants apprendront bien ce qui est nécessaire au plein épanouissement de leur personnalité et de leurs projets de carrière au moment opportun.  En attendant que ce choix se dessine, il est nécessaire de semer des graines et de permettre aux enfants d’explorer librement le plus de matières possibles afin de les aider à se découvrir.  Voilà donc, pour moi, toute la magie de l’école en Finlande!

 

 

 

 

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